[ad_1]
La profession comptable est en plein bouleversement. Depuis quelques années, elle prend conscience de l’abondance des données et de la disponibilité des technologies permettant de les exploiter. Les grands cabinets comptables investissent par exemple des milliards de dollars pour accélérer l’adoption de nouveaux outils sophistiqués tels que Power BI et Alteryx.
Alors que certains perçoivent cette transformation comme une menace et soulignent l’obsolescence prochaine des métiers de comptabilité, d’autres y voient une opportunité pour automatiser plusieurs aspects de ce secteur et renouveler les compétences des comptables professionnels.
Nous sommes tous deux voués à la recherche qualitative explorant divers aspects liés à la pratique et à la réglementation de l’audit. Professeurs agrégés à HEC Montréal, nous menons actuellement un projet de recherche sur les enjeux et les défis de la transformation numérique en comptabilité.
Dans le cadre de ce projet de recherche démarré en septembre 2020, nous avons interrogé des étudiants en fin de parcours scolaire pour devenir des CPA sur l’évolution rapide de la profession à laquelle ils aspirent. La plupart des étudiants interrogés nous ont semblé relativement enthousiastes face à cette transformation.
Nos résultats préliminaires évoquent que cet enthousiasme se manifeste autour de trois principaux éléments :
-
Les nouvelles compétences qui seront acquises
-
L’avantage d’être des « natifs du numérique »
-
La versatilité du titre comptable
De nouvelles compétences
Alors qu’on s’attendait à ce qu’ils expriment une certaine forme d’anxiété face à la transformation numérique, les étudiants semblent au contraire impatients de découvrir ce que cette transformation leur réserve en termes d’opportunités professionnelles. Bien qu’ils n’aient pas encore atteint la fin de leur parcours scolaire, ils disent être conscients des changements avec lesquels ils devront composer en pratique, de l’obsolescence imminente de certaines tâches comptables et de la nécessité de développer de nouvelles compétences hors comptabilité.
Ils nous confient que la pandémie de la Covid-19, ayant contribué à accélérer le virage numérique, leur a permis de prendre conscience de l’importance de développer leurs apprentissages personnels en matière de technologies. Plus encore, certains ayant eu la chance d’être en stage dans de grands cabinets nous ont révélé déjà être relativement à l’aise avec quelques outils de traitement et d’analyse de données utilisés en audit.
Même si cet élément est peu généralisable (puisque certains de nos interviewés ont été en stage chez des petits cabinets, moins avancés dans le virage numérique, alors que d’autres n’ont pas du tout eu la chance d’en obtenir), les étudiants semblent tous sûrs que la transformation numérique actuelle leur permettra de développer davantage leurs compétences professionnelles, en juxtaposant la technologie à la comptabilité.
Des natifs du numérique
Un élément qui explique aussi l’enthousiasme des étudiants en comptabilité face à la transformation numérique découle du fait que ces jeunes se considèrent comme des « natifs du numérique ». Les étudiants interrogés indiquent qu’ils ont un certain confort à se familiariser avec de nouvelles technologies et de nouveaux outils d’analyse des données. Le fait qu’ils soient à l’aise et particulièrement ouverts aux changements de pratiques induits par la transformation numérique leur fait sentir qu’ils n’auront aucun problème à se faire leur place dans le monde professionnel, notamment auprès de ceux qui sont plus avancés dans l’échelle hiérarchique, mais qui auront beaucoup plus du mal à s’adapter à la transformation qui déferle.
Les étudiants se voient presque comme des futurs mentors pour leurs collègues plus expérimentés en comptabilité, mais moins en technologies. Les étudiants soulèvent qu’avec ces changements rapides, ils arriveront dans un milieu professionnel où tout le monde se retrouvera presque sur un pied d’égalité par rapport aux connaissances technologiques. Les formations en technologies et en sciences des données qui leur seront par ailleurs offertes par leurs futurs employeurs leur donneront, selon eux, davantage les moyens pour se démarquer de l’ancienne génération et pour devenir les leaders de demain.
La versatilité du titre comptable
Beaucoup des étudiants interrogés avaient l’air convaincus de la valeur de leur futur titre comptable (CPA), notamment vu les efforts de recrutement et de rétention déployés ces dernières années par les firmes comptables.
Au-delà des cabinets, les étudiants indiquent qu’ils pensent que leurs connaissances plus techniques en comptabilité, en certification ou en fiscalité seront, quelles que soient les avancées technologiques, toujours d’une grande utilité dans le développement de l’économie numérique.
Le cumul de compétences comptables et technologiques leur permettra en quelque sorte d’être des professionnels versatiles qui pourront accompagner plusieurs organisations dans leurs virages numériques. Pour s’assurer de cette versatilité, les étudiants se disent prêts à se lancer dans d’autres formations spécialisées qui leur permettront de tirer leur épingle du jeu, en plus du titre CPA.
L’université, une déception ?
En dépit de leur grand optimisme, plusieurs étudiants nous confient avoir été surpris, voire choqués, du retard qu’affichent leurs programmes d’études universitaires en comptabilité par rapport à certaines avancées technologiques qu’ils ont découvertes dans d’autres formations, dans le cadre de leurs stages professionnels, ou carrément dans leur vie de tous les jours.
Plusieurs nous ont ainsi fait part de leur déception de réaliser que leur parcours universitaire n’est pas suffisamment arrimé avec la réalité changeante de la pratique professionnelle qui les attend.
En tant qu’enseignants à l’université, nous ne pouvons que joindre notre voix à celles de ces étudiants pour décrier l’urgence que revêt aujourd’hui la prise en compte de la transformation numérique aux cursus académiques, au risque de voir les étudiants rapidement se désintéresser de l’université.
[ad_2]
Mouna Hazgui, Associate professor, Financial Accounting and IFRS, HEC Montréal
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
Sommaire