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Il y a quelques semaines, le président Macron a présenté le plan de relance France 2030 et mis en avant un nouveau type de réacteur nucléaire, les « SMR ».
Ces « small modular reactors » sont des petits réacteurs modulaires, dont la puissance est comprise entre 50 et 300 mégawatts électriques. Certains projets de SMR reprennent des filières de réacteurs nucléaires existantes et miniaturisées, tandis que d’autres explorent de nouveaux concepts de réacteurs pour un déploiement sur le plus long terme.
Les SMR, c’est pour quand ?
Environ 70 projets de SMR sont identifiés dans le monde à des stades plus ou moins avancés, dont un quart utilisent des filières « matures », de génération 3 (Gen-III), comme celle du parc français.
Ainsi, certains modèles pourraient être disponibles sur le marché mondial autour de 2030 et couvrir, selon l’agence de l’énergie nucléaire de l’OCDE, jusqu’à 10 % de la production nucléaire dans le monde d’ici 2040.
L’investissement initial d’environ 1 milliard d’euros pour un réacteur SMR devrait être bien moins élevé que pour un réacteur de grande puissance – en comparaison, l’EPR de Flamanville devrait coûter environ 12 milliards d’euros pour une puissance installée de 1 600 mégawatts électriques. Les SMR pourront ainsi répondre aux besoins de régions isolées, de pays dont le réseau électrique est peu développé ou dont les capacités financières ne permettent pas d’accéder au marché des gros réacteurs.
Actuellement, la stratégie de la France est donc de proposer un SMR pour le marché international. Avec 2 100 « années-réacteurs » d’expérience dans l’industrie nucléaire, la France est reconnue mondialement dans la construction et l’exploitation des grands réacteurs pour la production d’électricité et des petits réacteurs pour la propulsion navale – une expertise nécessaire pour proposer un projet industriel de SMR, appelé « Nuward », porté par le consortium EDF, CEA, Naval Group et Technicatome.
D’après la Société française d’énergie nucléaire un module de Nuward de 170 MWe de puissance pourrait être construit en trois ans, après avoir consolidé l’ensemble des phases du projet (basic design, detailed design et licensing). Cela nous mènera en 2030 pour le premier béton en France et une commercialisation pour l’export.
Comment fonctionnent les SMR ?
L’appellation « SMR » rassemble en fait différents concepts, ou « filières », de réacteurs nucléaires. Il s’agit pour les SMR de miniaturiser les filières déjà industrielles, ou de rendre « petites » et « modulaires » les réacteurs dès leur conception, dans le cas de filières de nouvelle génération.
Aujourd’hui, la filière la plus mature pour les réacteurs haute puissance est la filière des réacteurs « à eau pressurisée », avec environ 55 % des réacteurs installés dans le monde.
Une filière de réacteur est définie par un triptyque combustible-modérateur-caloporteur, caractérisant un choix scientifique et technique de production de chaleur. Par exemple, dans la filière des réacteurs « à eau pressurisée », le combustible est un oxyde d’uranium enrichi autour de 5 % en uranium-235 tandis que le modérateur et le caloporteur sont de l’eau ordinaire.
La chaleur issue des réactions nucléaires au sein du réacteur peut être utilisée pour produire de l’électricité mais aussi par exemple pour le chauffage urbain, la chaleur industrielle, la désalinisation de l’eau de mer) ou la production d’hydrogène.
Déchets, sûreté, ressources : les réacteurs du futur
Pour répondre à l’exigence d’une exploitation durable des ressources naturelles et d’une optimisation de la gestion des déchets, deux autres filières de réacteurs haute puissance sont étudiées en France : la « filière des réacteurs à neutrons rapides » et la « filière des réacteurs à sels fondus ». Ces réacteurs devraient être matures dans plusieurs décennies, à la fois à l’échelle haute puissance et à l’échelle miniaturisée des SMR.
Ces nouveaux concepts, basés sur des critères de préservation des ressources naturelles, de gestion durable des déchets et de sûreté accrue, sont étudiés dans le cadre de GenIV, un forum mondial qui réfléchit aux concepts de réacteurs du futur. Une des idées serait de passer d’un « mono-recyclage » actuellement fait dans les réacteurs du parc français à un « multi-recyclage », c’est-à-dire que l’on retraite plusieurs fois le combustible passé en réacteur.
Miniaturiser les concepts de réacteurs nucléaires grande puissance
Miniaturiser un réacteur pourrait avoir un intérêt économique pour plusieurs raisons. D’une part, la simplification du design permet une architecture intégrée et la suppression de certains systèmes.
D’autre part, une architecture modulaire permet une qualité de fabrication supérieure, une réduction des coûts et une optimisation des plannings des chantiers de construction. Elle a été développée pour les chantiers navals et est aujourd’hui utilisée dans les secteurs de la construction et de l’aéronautique.
La complexité d’une centrale nucléaire est due au nombre d’équipements et systèmes, mais aussi à leurs interactions. L’idée de la modularité est de diviser la centrale en un ensemble de modules (par exemple les murs, ou un système de pompe), correspondant à une fonction bien identifiée et des interfaces bien définies. Bien entendu, cette fabrication modulaire suppose une chaîne d’approvisionnement adaptée, qualifiée pour la filière nucléaire et elle ne pourra se créer que si les SMR sont produits en grande quantité.
Enfin, la standardisation de la fabrication devrait permettre des économies d’échelles, une productivité plus importante et in fine une meilleure sûreté des réacteurs grâce à une fabrication plus normée.
Les SMR sont-ils plus sûrs ?
Comme tous les réacteurs nucléaires, les SMR devront respecter les standards les plus récents en matière de sûreté nucléaire. Celle-ci évolue de manière continue avec les retours d’expérience de l’exploitation des parcs de réacteurs nucléaires, les avancées des programmes de recherche et développement, et les incidents ou accidents.
Par exemple, aujourd’hui en France, le cadre réglementaire intègre ainsi le retour d’expérience de Tchernobyl et de Fukushima.
Les dispositions de sûreté y sont renforcées. Il oblige les installations à mettre en place des équipements dits « ultimes », pouvant résister à des événements exceptionnels (ce que l’on appelle le « noyau dur »).
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De manière générale, la simplification du design et la modularité devraient être favorables pour la sûreté, car ils permettent des contrôles plus aisés en exploitation pour l’un et une fabrication plus normée pour l’autre.
La diminution de la taille d’un réacteur et donc de sa puissance vont également dans le sens d’une meilleure sûreté, car il y aura moins de puissance résiduelle à évacuer en cas d’accident.
Et l’innovation dans tout cela ?
En attendant les réacteurs nucléaires de génération 4 (GenIV), d’autres innovations sont en cours et en particulier l’utilisation de « maquettes numériques » pour concevoir les nouveaux réacteurs, y compris les SMR et notamment le projet Nuward.
Ces « maquettes numériques », ou « BIM » (pour building information modeling), viennent du secteur de l’architecture et de la construction et représentent une opportunité majeure pour le nucléaire, car elles permettent d’optimiser le cycle de vie des installations nucléaires en proposant un objet numérique commun et partagé par l’ensemble des acteurs, qui pourra être considéré comme le prototype du réacteur.
Enfin, les maquettes numériques devraient permettre de développer de nouveaux modes organisationnels et donc une plus grande efficacité opérationnelle.
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Emmanuelle Galichet, Enseignante chercheure en physique nucléaire, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
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